Parce que la vie doit continuer, nous vous transmettons comme prévu nos vœux pour 2015.
Nous le faisons le stylo trempé dans le sang des victimes et les yeux emplis de larmes.
Nos activités de formateurs et de cliniciens nous confrontent au quotidien à la souffrance et aux injustices.
Elles nous obligent aussitôt à chercher, pour les soulager, les forces de vie, les ressources, en soi et dans l'autre, pour réduire les conséquences du drame ou du traitement barbare que le bourreau fait subir.
Aujourd'hui, le déni ide la vie, la haine de soi qui autorise la haine de l'autre nous laissent sidérés par la brutalité et simultanément nous poussent à nous rapprocher, nous serrer les uns contre les autres pour retrouver la chaleur, la sensibilité et le respect partagés.
L'humour et la liberté que l'on veut assassiner résistent en nous obligeant à sortir d'un assoupissement résigné.
Par l'absurdité, la bêtise et l'inhumanité de la destruction d'un autre pour ses idées, l'assassin nous pousse à retrouver dans la douleur l'importance de l'humanité partagée et de l'altérité.
C'est ce qui nous oblige à la responsabilité, celle de se révolter dès aujourd'hui malgré la peine et la douleur qui nous accable, mais aussi pour que demain nos enfants et les enfants de nos enfants ne soient les victimes ni de la barbarie, ni de notre faiblesse à y faire face.
N'oublions pas les visages de ceux qui sont tombés sous les balles des tueurs, choisis comme cibles pour leur liberté à exister ou achevés parce que fragiles.
Ils nous rappellent ce que dit Levinas de l'irréductible de ce qui ne peut être possédé quand on regarde l'autre dans sa sensibilité et sa vulnérabilité. Faute de pouvoir le posséder ou le convaincre, faute de pouvoir accepter de le regarder ou de l'écouter, le barbare le détruit. Et cherche à détruire en cela toute humanité de soi, de l’autre et de l'entre deux.
Notre résistance, c'est celle de l'entre nous et du vivre ensemble avec nos imperfections, nos faiblesses et nos fragilités.
Et avec l'humour qui nous aide à lutter contre l’innommable qui sommeille en chacun d'entre nous.
N'oublions ni les visages ni les esprits.
En cela, nous resterons tous Charlie.
Christian Pétel
